-
Dans le cadre des Jardins Synthétiques, c’est Pierric Blum, le porteur du projet du festival que nous interviewons. Rencontre avec un passionné.
Au centre de l’image, micro à la main, Pierric Blum durant le vernissage. Photo : CHA prod
Aparté.com: Les « Jardins Synthétiques », pourquoi ce nom ?
Pierric Blum: L’idée était de trouver un nom qui résume bien la double identité du festival, entre passé et présent, patrimoine et création contemporaine. Les jardins font référence au lieu principal du festival, le musée Saint-Raymond et son petit écrin de verdure. Nous accueillons aussi des artistes émergents, des « jeunes pousses » qui exposent ou jouent en concert pour la première fois dans le cadre du festival et que nous contribuons à faire germer avec soin. Près de 90 % de notre programmation est consacrée à des artistes émergents.
« J’avais aussi la volonté de faire en sorte que la jeune création réinvestisse les lieux de patrimoine. »
Les jardins sont aussi un écho aux racines, à la mémoire liée aux lieux de patrimoine que nous investissons. Dans la mesure où nous exposons des artistes qui travaillent avec des matériaux comme le plastique, le plâtre, le bois..etc, le terme synthétique symbolise cet ajout de matières pas forcément nobles aux côtés du marbre et des métaux précieux dont sont faites la plupart des œuvres du musée Saint-Raymond. Enfin, le terme synthétique renvoie à notre volonté de mêler différentes disciplines artistiques.
Aparté.com: Comment a germé l’idée du festival ?
Pierric Blum: J’ai été producteur et animateur pendant cinq ans à Radio Campus, d’une émission culturelle hebdomadaire intitulée Underground Connection. J’interviewais des artistes plasticiens, des musiciens et des chroniqueurs. A l’époque, j’avais déjà cette volonté de croiser les genres artistiques et une envie de décloisonner ces différentes disciplines souvent renfermées sur elles-mêmes à la fois dans leurs moyens de diffusion, leurs publics, leurs circuits..etc. Cette émission était l’occasion d’établir un dialogue entre ces différents milieux. Avec le temps, j’ai eu envie de passer de la médiatisation à l’action.
Je trouvais qu’il manquait des structures qui croisaient les différentes disciplines artistiques à Toulouse. J’avais aussi la volonté de faire en sorte que la jeune création réinvestisse les lieux de patrimoine. J’avais déjà un plaisir personnel à aller dans ces lieux et je trouvais dommage qu’ils ne soient pas suffisamment investis par des artistes contemporains. Je souhaitais aussi rassembler les générations plus intéressées par l’histoire et celles plus intéressées par les pratiques contemporaines.
Aparté.com: Comment se déroule votre collaboration avec l’équipe du Musée Saint-Raymond ?
Pierric Blum: L’ équipe de conservation du musée n’intervient pas dans la programmation artistique, tout en leur garantissant les contraintes de conservation et le respect de leur collection. Nous tenons à garder une certaine indépendance dans la sélection des artistes. Par contre, la thématique leur est présentée afin de faire un inventaire des œuvres qui se lieraient le mieux avec celle-ci.
Nous sélectionnons ensuite les artistes exposés dans le cadre du festival et travaillons étroitement avec l’équipe du musée pour penser l’insertion des œuvres et leur mise en résonance avec les collections permanentes du musée. L’équipe du musée intervient aussi au niveau de la médiation une fois l’exposition mise en place et notamment pour le passeport pour l’art (visites pour les publics scolaires, NDLR).
Aux plaisirs des créations proposées par les Jardins Synthétiques, les plaisirs culinaires avec le food-truck l’Epicurien
Aparté.com: Vous avez choisi d’inviter le jeune festival basque Baleapop et leur label Moï Moï Records cette année. En quoi vos deux univers se rejoignent-ils ?
Pierric Blum: Même si le Festival Baleapop est plutôt basé sur les musiques électroniques et qu’ils n’ont pas ce lien avec le patrimoine, ils ont aussi cette volonté de mêler les différentes disciplines artistiques et de rassembler différents types de publics. Ils ont d’ailleurs lancé des expositions d’arts plastiques lors de leurs dernières éditions. Nous apprécions beaucoup la qualité de leur programmation, qui ne cherche pas à présenter des têtes d’affiches qui attireront beaucoup de spectateurs mais plutôt des artistes peu connus, émergents et prometteurs.
Aparté.com: Comment définiriez-vous le public du festival ?
Pierric Blum: Nous accueillons un public très varié, dans la mesure où notre programmation est assez éclectique et que chaque discipline artistique va attirer son public de prédilection. Dans l’ensemble, la fréquentation est plutôt jeune, entre 18 et 30 ans mais nous attirons aussi un public plus âgé, dont la venue est souvent davantage liée aux lieux de patrimoine investis qu’à la programmation en elle-même. Cela rejoint ainsi notre volonté de cultiver un esprit intergénérationnel.
Aparté.com: Que pensez-vous de l’offre culturelle à Toulouse ?
Pierric Blum: Malgré un grand dynamisme culturel, surtout en cette saison de rentrée, je regrette le fait qu’il y ait une certaine séparation entre le milieu institutionnel et le milieu associatif à Toulouse. Rares sont les collectifs qui arrivent à travailler avec les institutions, trop rigides dans leur mode de fonctionnement. Les institutions veulent « faire rayonner Toulouse » selon leurs propres termes donc ils vont plutôt avoir tendance à proposer des artistes nationaux plus reconnus et pas forcément des artistes toulousains émergents.
« Le fait de placer de jeunes artistes contemporains dans des lieux de patrimoine peut aussi être perçu comme une quête de reconnaissance. »
On voit que les choses évoluent, une petite place est tout de même laissée de temps en temps à une association locale dans les programmations mais il y a une certaine barrière qui reste difficile à franchir. C’est dommage quant on pense à la richesse de la création artistique en Midi-Pyrénées, notamment dans le milieu de l’art contemporain.
- Les voyageurs des bulles de verre, Jérôme Possoz (2014-2015) photo Anna Ezequel, Aparté.com
Aparté.com: De plus en plus d’événements mettant en scène la création contemporaine prennent place dans des lieux de patrimoine toulousains ces derniers temps. Comment expliqueriez-vous ce phénomène ?
Pierric Blum: Je pense qu’il y a un réel besoin de retour à nos racines qui s’exprime à travers ce phénomène, un besoin d’apporter des réponses quant à notre façon de vivre, nos liens sociaux… en pleine mutation avec la technologie et les réseaux sociaux. Je crois aussi que c’est une manière de raccorder les générations entre elles. Cette surenchère d’évènements liés au patrimoine dénote aussi une certaine angoisse de l’avenir. Le fait de placer de jeunes artistes contemporains dans des lieux de patrimoine peut aussi être perçu comme une quête de reconnaissance. Dans le cadre du festival, les jeunes plasticiens que l’on implante au musée Saint-Raymond nous remercient d’ailleurs parce que c’est assez unique pour eux d’avoir le privilège d’être exposés dans un musée de France.
Attention tout de même au risque d’absence de lien entre les œuvres proposées et les lieux de patrimoine, qui fonctionneraient alors comme une coquille vide. Il s’agit d’arriver à établir un dialogue qui ait du sens pour véritablement valoriser les lieux et l’oeuvre.
Aparté.com: Quels sont les projets pour la prochaine édition du festival ?
Pierric Blum: De nouveaux lieux de patrimoine à investir ! Nous allons très probablement nous implanter aux Jacobins, tout en poursuivant notre coeur de festival au musée Saint-Raymond. Nous sommes aussi également en recherche d’un nouveau partenariat avec un lieu en région.
The post En aparté avec … Pierric Blum, porteur du projet des Jardins Synthétiques appeared first on Aparté.